Mes enfants se couchent à 19 h 30 tous les soirs. Ils n’en sont que plus heureux et je crois même que cela améliore leur santé et leur développement intellectuel.
Par Melinda Wenner Moyer
Traduit de l’anglais par Doris Cunningham
Voici l’article original en anglais
Chaque année, l’arrivée de l’été me transforme en mère cruelle qui force ses enfants à se coucher tôt même lors de barbecues et autres activités estivales. Eh oui ! Je couche mon enfant, qui est âgé de presque deux ans à 19 heures et mon enfant de 5 ans à 19 h 30. Vous trouvez sans doute que je suis inflexible et ennuyeuse et que, parce qu’ils jouent rarement dehors au crépuscule, je prive mes enfants des joies de l’enfance. Croyez-moi, les commentaires désapprobateurs ne manquent pas.
- « Tu ne pourrais pas… ? », demandent mes amis. Non, je ne peux pas.
Je ne peux pas parce que mes enfants sont plus heureux et plus agréables lorsque je m’en tiens à les coucher tôt sans déroger. D’ailleurs, à force de consulter les études sur le sujet, je n’en démords pas ; plus les enfants se couchent tôt, mieux ils se portent.. Les études sur le sujet exposent invariablement les effets positifs de se coucher tôt sur le développement physique, émotif et cognitif des enfants. Non seulement le fait de se coucher tôt permet-il aux enfants de dormir davantage, mais il semblerait qu’ils obtiennent aussi une proportion accrue de sommeil réparateur. N’oublions pas que cela offre aussi aux parents l’occasion de prendre un verre en paix et de se coller en regardant un film qui leur plaît. Que c’est agréable !
Avant d’aller plus loin, permettez-moi de dire ceci : premièrement, je sais qu’en raison de leurs horaires, certaines familles ne peuvent pas coucher les enfants tôt. J’y reviendrai plus tard. Deuxièmement, je ne fais la leçon à personne, car j’ai commis ma part d’erreurs en ce qui concerne les habitudes de sommeil de mes enfants. Néanmoins, je demeure convaincue que de coucher mes enfants tôt n’en est pas une.
Pour commencer, sachez que bon nombre d’enfants manquent de sommeil. Des études menées par la National Sleep Foundation, environ 30 % des enfants âgés de moins de 11 ans et plus de la moitié des adolescents dorment moins longtemps que ce qui est recommandé. Bien que de nombreux experts du sommeil suggèrent de coucher les jeunes enfants, entre 18 et 20 heures. Aux États-Unis, la moitié des bambins et enfants d’âge préscolaire et 64 % des enfants de la première à la cinquième année du primaire se couchent après 21 heures.
Des études ont démontré qu’il existe un lien entre l’heure du coucher d’un enfant et la durée de son sommeil. Cela ne signifie pas pour autant qu’en couchant un enfant 20 minutes plus tôt, il s’endormira 20 minutes plus tôt et que par le fait même, il dormira 20 minutes de plus. De multiples études ont démontré que les enfants qui se couchent plus tard prennent au contraire, plus de temps à s’endormir que ceux qui se couchent tôt ; qu’ils se réveillent plus fréquemment pendant la nuit et ne comblent pas leur manque de sommeil en se réveillant plus tard, comme on s’y attendrait. Une autre étude a signalé que les adolescents, dont les parents ont établi l’heure du coucher à 22 heures au plus tard, dorment en moyenne 40 minutes de plus que ceux qui se mettent au lit à minuit. Les bambins qui se couchent avant 21 heures dorment en moyenne 78 minutes de plus que ceux qui se couchent plus tard. Si vous croyez que les enfants qui se couchent tôt ont besoin de plus de sommeil que les autres et que, si vous couchez le vôtre une heure plus tôt, il se réveillera forcément une heure plus tôt ; examinez les résultats d’expériences menés à ce sujet. Lorsque des chercheurs ont demandé à des parents d’enfants âgés de 7 à 11 ans de les coucher une heure plus tôt que d’habitude pendant 5 nuits consécutives, l’on a constaté qu’ils dormaient en moyenne 27 de plus minutes par nuit.
Coucher les enfants plus tôt ne fait pas qu’allonger la durée de leur sommeil. « Le moment du sommeil compte autant sinon plus, que sa durée, » affirme le Dr Marc Weissbluth, pédiatre et auteur du livre à succès : Healthy Sleep Habits, Happy Child (Saines habitudes de sommeil = Enfant heureux.) Cela s’explique par le fait que le sommeil qui a lieu tôt dans la nuit est plus réparateur que celui qui a lieu plus tard dans la nuit et au petit matin. C’est pourquoi coucher votre enfant plus tôt lui assure une plus grande proportion de sommeil réparateur.
Le comportement des enfants bien reposés diffère grandement du comportement de ceux qui manquent de sommeil. À preuve, l’étude interventionnelle que j’ai citée plus haut a conclu que les professeurs de ces enfants — qui ignoraient que les enfants avaient dormi davantage — ont remarqué qu’ils étaient moins impulsifs et moins irritables que d’habitude. Une étude similaire, effectuée auprès d’enfants âgés de 8 à 12 ans, a montré qu’après s’être couché une heure plus tôt pendant quatre nuits consécutives, ils étaient d’humeur égale et leur mémoire à court terme et leur concentration avaient augmenté ; comparativement aux enfants d’un autre groupe qui eux, s’étaient couchés une heure plus tard que d’habitude.
Une autre étude a montré que des enfants de 2 ans qui se couchaient tôt présentaient 62 % moins de risque d’être atteints à 8 ans de troubles de l’attention et 81 % moins de risque de faire face à des troubles du comportement agressif. Le mois dernier, des chercheurs japonais ont publié une étude selon laquelle les bambins de 18 mois qui se couchent avant 22 heures présentent un moindre risque d’éprouver des troubles moteurs, des troubles du langage et des troubles sociaux que ceux qui se couchent après 22 heures. Précisons toutefois que les troubles du développement causent souvent de troubles du sommeil. Les troubles du développement ne sont donc pas automatiquement attribuables au manque de sommeil.
Il semble que se coucher tôt bénéficie également aux adolescents. Une étude a démontré que les adolescents dont les parents ont fixé l’heure du coucher à 22 heures présentent un risque de dépression de 24 % inférieur à ceux qui se couchent plus tard et que le risque qu’ils aient des pensées suicidaires est de 20 % inférieur. On peut se demander si les adolescents qui se couchent tôt vivent moins de stress que leurs pairs et si leurs parents sont plus présents, car ces facteurs peuvent affecter le bien-être émotif. Néanmoins, le sommeil joue indéniablement un rôle dans le bien-être des jeunes. « Ne vous réjouissez pas trop vite si vos adolescents se lèvent tard le week-end, » dit le Dr Weissbluth. Il semble que le fait de se lever tard le week-end indique un manque chronique de sommeil pendant la semaine. Une étude a démontré que plus les adolescents se lèvent tard le week-end, plus ils commettent d’erreurs dans les tests qui exigent de l’attention.
Si vous demeurez sceptiques, sachez qu’il y a un lien entre l’heure du coucher, la durée du sommeil et la santé métabolique. Les recherches sur le sujet démontrent que, comparativement à d’autres enfants, ceux qui dorment moins et se couchent plus tard sont plus susceptibles d’être atteints d’obésité. Une étude a montré que chez les enfants âgés de cinq ans qui se couchent après 21 heures le risque de devenir obèse est de 50 % plus élevé que chez ceux qui se couchent avant 21 heures. De fait, les enfants qui se couchent tard sont plus susceptibles d’avoir un surplus de poids que ceux qui se couchent tôt, même si leur sommeil est de durée égale. Nul ne connaît le lien entre l’obésité et l’heure du coucher, mais l’on soupçonne fortement, que des bouleversements des hormones régulatrices de l’appétit — la leptine et la ghréline — y jouent un rôle.
Lorsque les enfants manquent de sommeil, leur corps sécrète des hormones qui les rendent agités quand vient l’heure du coucher.
Vous demandez sûrement quelle est l’heure du coucher idéale pour votre enfant. Il n’y en a malheureusement pas. Cela dépend de nombreux facteurs, dont les siestes et l’âge de l’enfant. Quand ma fille avait 13 mois, elle a éprouvé des difficultés à dormir, j’ai consulté mon amie Arielle Driscoll, fondatrice de Expect To Sleep Again Sleep Consulting. Elle m’a conseillé de la coucher dès 18 heures lorsque sa sieste de l’après-midi était courte, je l’ai fait et ça a fonctionné. Bien que Driscoll indique qu’elle recommande rarement de coucher les jeunes enfants après 20 heures, elle admet qu’il y a des exceptions. Weissbluth, abonde dans ce sens : l’heure du coucher idéale varie d’un enfant à l’autre. Pour savoir si votre enfant a besoin de se coucher plus tôt : observez son comportement entre 16 heures et 18 heures (s’il est d’âge préscolaire) et entre 17 et 19 heures s’il est plus âgé. Est-il alerte, s’amuse-t-il, est-il d’humeur agréable ? Est-il irritable et agité ? Informez-vous auprès de son éducatrice ou de sa gardienne ; s’il est maussade, il se pourrait qu’il ait besoin de se coucher un peu plus tôt. En cas de doute, faites le test. Couchez votre enfant 20 minutes plus tôt pendant quelques nuits consécutives et voyez ce qui se produit. S’il s’endort facilement, cela signifie qu’il a besoin de se coucher plus tôt. Assurez-vous cependant de limiter la télé et le téléphone intelligent avant le coucher, car il semble que le temps passé devant un écran avant le coucher perturbe le sommeil.
N’allez surtout pas croire que votre enfant doit se coucher plus tard s’il se lève avant 6 heures ou est très agité à l’heure du coucher. C’est tout le contraire ! Le manque de sommeil provoque la sécrétion de cortisol, d’adrénaline et de noradrénaline, qui selon Driscoll, leur donne un second souffle à l’heure du coucher et les empêche de se rendormir s’ils se réveillent très tôt. On me dit souvent : « Je ne peux pas coucher mon enfant aussi tôt, il est trop agité ». Selon Driscoll : « s’il est agité, c’est parce qu’il est tellement fatigué que son corps sécrète ces hormones ». Elle raconte que nombreux sont les parents qui étaient sceptiques et qui, après avoir fait le test, crient sur les toits que leur enfant a très bien dormi et s’est levé plus tard que d’habitude.
MEILLEUR COMMENTAIRE :
Mon fils qui était alors un bambin m’a avoué qu’il s’était levé pour voir ce que maman faisait une fois qu’il était couché…
C’est fameux jusqu’au moment où l’on tente de l’appliquer dans la vie de tous les jours.
« Comme je travaille à la maison et que mon horaire est flexible, j’arrive à coucher mes enfants à 19 heures. Pour de nombreux parents, c’est impossible. » Que faire ?
Weissbluth offre quelques suggestions pour avancer légèrement l’heure du coucher :
- Vous pourriez demander à la gardienne de commencer la routine du coucher avant votre retour à la maison ;
- Vous pourriez préparer le souper de votre enfant le matin, de sorte que vous pourrez le faire manger dès votre retour ;
- Si vous prévoyez rentrer tard, vous pouvez laisser le souper de votre enfant à la garderie et demander à son éducatrice de le faire manger ; une fois à la maison vous n’aurez qu’à le mettre en pyjama.
Vous ne pourrez peut-être pas avancer l’heure du coucher d’une heure, mais si vous pouvez l’avancer de 20 minutes, vous constaterez qu’à la longue cela fait beaucoup de bien à votre enfant.
L’envers de la médaille c’est que vos parents et amis vous diront que vous exagérez. Une amie m’a raconté qu’on lui a dit qu’elle est trop rigide et que son inflexibilité rendra ses enfants inflexibles. Coucher les enfants à 19 heures implique qu’au moins un des parents est coincé à la maison. Weissbluth dit cependant que, bien que cela limite la vie sociale, les enfants bien reposés et de bonne humeur se comportent bien et l’on peut les amener avec nous sans craindre une « crise du bacon » au beau milieu du supermarché. Du moins, la plupart du temps.
Melinda Wenner Moyer est rédactrice scientifique et chroniqueuse sur le rôle parental pour le magazine Slate. Elle vit à Cold Spring, New York. Suivez-la sur Twitter.
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